Voici l'article : "Lorsque le compte de résultat fait apparaître un déficit pendant deux
années consécutives, le budget qui suit la constatation des déficits est
établi par le recteur d'académie, chancelier des universités, ou, pour
les établissements qui lui sont directement rattachés, par le ministre
chargé de l'enseignement supérieur. Il ne peut être modifié pendant tout
l'exercice sans son accord préalable.
Les mesures peuvent être reconduites jusqu'au rétablissement complet de l'équilibre financier."
Les mesures peuvent être reconduites jusqu'au rétablissement complet de l'équilibre financier."
On peut penser que cet article a été pensé pour éviter les dérives possibles des établissements de l'enseignement supérieur et de la recherche suite à la mise en place des RCE (Responsabilités et Compétences Élargies). En effet, donner l'autonomie aux Universités ne signifiait pas "donner les clefs" de la maison du savoir et arriver à une situation extrême qui aurait nécessité l'Etat de venir "à la rescousse". Car la situation de l'ensemble des universités françaises n'est pas homogène. Bien avant la mise en place des RCE, certains établissements avaient des difficultés financières et ce n'est pas l'autonomie, somme toute relative, qui allait les sauver. Car qu'elles ont été les conséquences immédiates de la mise en place des RCE ? L'Etat ne prend plus en charge directement les salaires des fonctionnaires.
Ceux-ci sont couverts par une dotation globale, identifiés dans un socle négocié lors du 1er passage aux RCE de l'université concernée. Sauf que pour la plupart des universités, ce socle partait sur un postulat que le GTV (Glissement Technicité Vieillesse) solde était de zéro(1) alors qu'en réalité, il pouvait être compris entre 1 et 2% selon la population. Par ailleurs, la politique de prime indemnitaire devenait du ressort de l'administration de l'établissement. Et enfin, les universités pouvaient dorénavant procéder à leur propre politique salariale, y compris le recrutement. Sauf qu'on ne s'improvise pas du jour au lendemain administrateur d'une entité publique en PDG d'un établissement autonome et performant. Certains concepts de la gestion de la masse salariale étaient ignorés des services ressources humaines ante RCE. C'est pourquoi, nous pouvons voir dans la presse spécialisée des recrutements de plus en plus nombreux de DRH et de DAF venant des milieux plus habitués aux modes de gestion de l'entreprise.
Par ailleurs, l'autonomie a aussi nécessité la mise en place de la certification des comptes par des commissaires aux comptes. Il a fallu donc remettre un peu d'ordre dans la comptabilité et entre autre, faire respecter le sacro saint principe du rattachement des charges et des produits à l'exercice. Là encore, cela peut surprendre pour les praticiens du privé, mais nous avons constaté fréquemment que les comptes étaient souvent tenus en comptabilité de caisse. De nombreuses rectifications ont eu lieu lors des premières certifications par les CAC et ont souvent entraîné la présentation de compte de résultat négatif, qu'on appelle le résultat de première section de fonctionnement.
Pour être compétitif, les universités ont dû s'adapter et mettre en place divers projets qui ne sont pas sans rappeler ceux des entreprises. Mise en place du contrôle interne, mise en place d'un véritable contrôle de gestion, séparation des rôles de l'ordonnateur dorénavant tenu par des DAF et celui de l'agent comptable, mise en place de SAP (eh oui !) et enfin mise sous contrôle de la masse salariale tout en essayant de faire des projections dans le futur. On se met à parler de pluri-annualité.
D'autres chantiers attendent ces établissements avec la dévolution du patrimoine mais cela risque d'être fort coûteux à moyen et long terme.
Dans le même temps, les universités ont dû répondre aux multiples projets en "ex" (Labex, Idex) liés au plan campus et commencer les réformes nécessaires pour se rendre visible à l'international. C'est le choix des fusions de certaines universités pour atteindre une taille critique, mais qui peut laisser sceptique. En effet, être gros n'a jamais été un signe de vélocité. Déjà que certains établissements n'étaient pas très réactifs dans la prise de décision, réaliser une fusion entre des entités qui ne se ressemblent pas, c'est un pas que les entreprises ne franchissent pas en matière de fusion. Celles-ci recherchent les synergies pour faire 1+1=3, on a donc des doutes de voir les universités réussir à réaliser cette équation quand on essaye de fusionner des entités enseignant des matières aussi disparates que les sciences de l'ingénieur, de la médecine et des lettres.
C'est pourquoi, oui, on peut penser que cet article 56 a été conçu dans ce but.
Sauf qu'il prive aussi les universités et les établissements performants de la possibilité de réaliser aujourd'hui des dépenses pour être gagnant demain. Ces dépenses n'étant pas obligatoirement des investissements mais bien des charges d'exploitation pouvant aussi permettre un retour sur "investissement" dans un ou deux ans. Et répondre ainsi à la volonté de l'état qui a donné cette autonomie aux universités pour les rendre compétitives. Car l'article 56 ne concerne que cette fameuse première section de fonctionnement (l'équivalent du compte de résultat dans une entreprise) et pas du tout de la variation du fonds de roulement qui peut, elle, être négative si les investissements sont supérieurs aux ressources dégagées par la CAF et les autres subventions d'investissement.
De ce fait, 7 universités (pour l'instant) se sont faites prendre par cet article 56 cette année. Ce qui les prive de leur capacité de décision en matière budgétaire. Un comble pour l'autonomie ! Cela va même assez loin, car même si seule l'année 2010 a été déficitaire, une présentation du budget 2012 également déficitaire permet au recteur de prendre la main sur le budget, et ce avant même de connaître les résultats de l'année 2011. On peut comprendre la mauvaise humeur de certains administrateurs d'établissement qui se sont vus retirer cette prérogative. Car un budget est avant tout un acte politique dans les universités. Et donc, c'est une véritable perte de pouvoir pour "le patron" de l'entité.
Force est de constater que la situation n'est pas simple. D'autant plus que nous pouvons comprendre les objectifs de l’État de vouloir rendre autonome ces établissements car il n'a plus aujourd'hui d'argent dans ses caisses. Par contre, c'est inquiétant de voir que cette fameuse autonomie (aujourd'hui hyper contrôlée et contraignante) n'est qu'artifice et qu'elle risque de fragiliser encore plus les établissements qui ont de vrais problèmes. Le pire serait de mettre en difficultés celles qui n'en avait pas !
(1) Laurent Wauquiez a accordé un rattrapage du GVT sur les années 2009 et 2010 et qui vient d'être signifié à l'ensemble des universités et rentre dans le socle de masse salariale
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