Voici en avant première mon propos du mercredi 23 mai 2012 à la table ronde qui aura lieu à l'IAE de Grenoble à partir de 16h.
Tout d'abord en introduction, je vais présenter les enjeux de la recherche sur le site Grenoblois. L'actualité est intéressante, car nous avons la chance de voir l'un des membres du Conseil d'Administration de Grenoble INP être nommé Ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.
=>(http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid60335/biographie-de-genevieve-fioraso.html)
Ensuite, Grenoble est certainement l'un des sites les plus actifs de la Recherche en France, ce qui lui confère une visibilité internationale.
- - 16 000 personnes participent à une activité de recherche (11 000 en recherche publique et 5 000 en recherche privée),
- - 3 400 doctorants et stagiaires,
- - 450 dépôts de brevets par an,
- - 200 laboratoires de recherche publique dont :• 3 laboratoires européens :- European Molecular Biology Laboratory- Laboratoire des Champs Magnétiques Intenses- Institut de Radio Astronomie Millimétrique• 2 grands équipements internationaux :- Institut Laue-Langevin- European Synchrotron Radiation Facility• CEA LETI : 1er centre européen de recherche appliquée en microtechnologies• Pôles d'innovation :- Minatec (pôle européen d'innovation en micro-nanotechnologies), Nanobio (pôle d'innovation à la convergence des micro-nanotechnologies et des sciences du vivant).- Des centres de recherche et développement de grandes entreprises internationales viennent conforter la recherche appliquée : Schneider Electric Industries, STMicroelectronics, Alcan, Xerox, Sun Microsystems, Hewlett Packard, France Télécom, etc. (*).C'est 800 millions d'euros de budget pour les organismes de recherche par an avec une activité générée de plus d'un milliard d'euros.Autant dire que les enjeux sont conséquents pour la région Grenobloise qui profite de cet élan.La valorisation a pris une place très importante dans le tissu économique Grenoblois. GRAIN qui est l'incubateur des start up issues de la recherche des laboratoires Grenoblois a créé plus de 73 entreprises en moins de 10 ans. Grenoble INP fait donc partie des 8 établissements universitaires de Grenoble participant activement à l'essor de la Recherche de la région avec ses 5300 étudiants et 1100 chercheurs, 175 brevets déposés, 145 millions d'euros de budget dédiés à l'enseignement et à la recherche, près de 20 millions d'euros de CA générés par l'activité de la recherche.1. Les métiers Comptabilité-Contrôle-Audit peuvent être perçus comme des freins à l'innovationAlors comment est perçu un directeur financier par tous ces acteurs liés à la recherche ? Lors de mon arrivée à Grenoble, voilà deux ans, il était clair que le mot financier rythmait avec "empêcheur de tourner en rond". En fait, l'organisation était différente, car il n'y avait qu'un agent comptable, dont le rôle était de tenir la comptabilité de l'établissement tout en étant le responsable des services financiers.Avec la mise en place des RCE, un grand nombre d'établissement public à caractère scientifique et culturel et professionnel (EPSCP) a choisi de recruter des directeurs financiers pour leur confier les missions de suivre toutes les affaires financières de leur établissement et principalement l'élaboration et le suivi du budget. Dans la plupart des cas, les directeurs d'établissement sont allés chercher des cadres du privé pour mettre en place de nouveaux outils de gestion pour leur permettre de répondre à leurs nouvelles obligations et missions qui ont fortement évolué depuis la LRU (Loi Relative aux Libertés et Responsabilités des Universités).Il n'était donc plus possible de gérer de la même manière les affaires financières. Un agent comptable a pour principale mission de recouvrir les créances et de payer les dettes, ainsi que de réaliser la comptabilité de l'établissement. Il doit donc faire respecter les règles et appliquer les textes de loi. D'ailleurs, il est responsable personnellement et pécuniairement du recouvrement des recettes et du paiement des dépenses. Ce qui ne l'incite guère à faire preuve de souplesse vis-à-vis de l'éligibilité des dépenses lors de la justification de celles-ci auprès d'un organisme qui a financé un projet.En face, nous avons des enseignants chercheurs dont le principal intérêt est de faire de la recherche essentiellement, de l'enseignement accessoirement, paradoxalement. Le chercheur est noté sur ses travaux de recherche et par définition, il aime faire de la recherche. Par contre, il n'aime pas perdre son temps à réaliser des tâches administratives. Un autre paradoxe, il est très vigilant pour réaliser des économies sur ses projets. S'il peut faire une marge pour préfinancer un nouveau projet, il mettra tout en oeuvre pour y arriver, quitte à être "border line" sur la réglementation.C'est pourquoi, les populations des financiers et des chercheurs ont souvent des intérêts antinomiques. Et donc, le financier pouvait être perçu comme un frein à l'innovation, car il n'était jamais convié dans ce processus.2. Pourtant, les métiers Comptabilité-Contrôle-Audit peuvent jouer comme levier de la diffusion de l'innovation"L'innovation est aujourd'hui identifiée sans aucun doute comme le moteur principal du développement de la compétitivité des entreprises. Cette dimension stratégique de l'innovation s'incarne progressivement dans la formalisation d'un véritable processus, structuré, piloté, évalué, au sein duquel les directeurs administratifs et financiers ont naturellement un éminent rôle à faire valoir (Améliorer la performance de votre entreprise : 70 recommandations concrète. DFCG)".En arrivant en 2010, j'ai immédiatement ressenti la perception des directeurs de laboratoires que j'ai eu en face de moi lors de certaines présentations dont la mise en place du dialogue de gestion et qui était plutôt négative. J'ai aussi vite compris qu'il fallait changer cela en leur montrant qu'on pouvait travailler ensemble et différemment. Pour reprendre le titre d'un article de la revue Harvard Business Review, build a culture of trust and innovation, il fallait dans notre cas, reconstruire la confiance.Un des vrais problèmes constatés : être appelé en "pompier" lorsque qu'une difficulté surgit. Mais c'est souvent trop tard, et nous ne pouvons plus rétablir la situation, qui souvent va "coûter" au laboratoire, à ses équipes et son chercheur.Il était donc évident qu'il fallait remettre le DAF dans le processus de l'innovation et être présent dans la phase de décision. Cela lui permet d'éclairer le débat par sa vision externe et stratégique par rapport au processus de recherche. Sa valeur ajoutée peut être la suivante :- rechercher des ressources financières pour la recherche et l'innovation- mesurer, évaluer et participer au pilotage du processus- intervenir dans la définition des stratégies de tarification- participer à la protection de l'innovation.Ce n'est pas simple, et comme évoqué ci-dessus, ce n'est pas dans la culture de l'établissement. J'ai donc toujours une politique de petits pas pour faire avancer les choses. J'ai appris après 20 ans d'expérience dans le domaine financier et administratif que le changement était toujours long et laborieux, et nécessite souvent de la patience.Il faut donc prouver que l'on sert à quelque chose, qu'on soit capable d'apporter une valeur ajoutée au processus et aux acteurs et essayer d'allier intérêt de la recherche tout en préservant les règles administratives et financières.Il faut donc savoir prendre des risques. Avec la Direction de la Recherche, nous avons mis en place un système d'amorçage d'ouverture des crédits avant accord des organismes de financement de recherche (ANR entre autres). Cela permet aux laboratoires de commencer à réaliser leur recrutement sans attendre le document officiel qui valide le projet. Car auparavant, le risque se situait en fin de contrat avec la non possibilité de pouvoir justifier l'ensemble des dépenses et perdre ainsi deux ou trois mois de salaire des doctorants ayant travaillés sur le projet.Autre exemple, nous avons su prendre des décisions d'achat de matériel dont le coût important ne pouvait être supporté par le seul laboratoire intéressé. On est parti du principe que l'euro investi aujourd'hui rapporterait trois euros demain.Un autre point vient des outils de gestion mis à disposition qui ne satisfont réellement personne. Après analyse, nous nous sommes rendus compte que les fonctionnalités du progiciel de gestion n'étaient pas exploitées complètement. Nous avons donc créé des formations reporting adaptées aux utilisateurs. Nous continuons dans cette voie pour apporter le maximum de réponses à leurs attentes.Enfin, être en amont d'un projet à fort enjeu permet de mettre en avant les opportunités mais aussi les menaces de celui-ci à moyen terme pour l'établissement. Car souvent, le chercheur obnubilé par son travail occulte les risques qu'il peut faire prendre à son établissement quelques années plus tard, si par exemple, le projet dépasse un certain délai. Des projets à cinq ou six ans peuvent influer sur les finances de l'INP par exemple. Des CDD embauchés pour la durée du projet voient leurs contrats se transformer en CDI, et de ce fait, à l'issue du projet, leur financement ne sera plus assuré. L'enjeu est important car aujourd'hui, dans le cadre des RCE, les établissements ont une vraie responsabilité pour gérer leur masse salariale. Le DAF a donc toute la légitimité pour faire prendre conscience à tous les acteurs des risques mais aussi des opportunités qui peuvent intéresser la recherche.3. Les voies à développer pour réussir dans ce domaine, les enjeux pour les métiers Comptabilité-Contrôle-AuditPour être dans le processus, il faut pouvoir avoir des acteurs clefs dans la chaîne de valeur.Lors d'un recrutement d'un contrôleur de gestion, il nous a semblé opportun de l'embaucher au niveau de la Direction de la Recherche avec un rattachement fonctionnel directement au DAF. Ce contrôleur de gestion pourra être au plus près des acteurs opérationnels de la recherche, comprendre leur besoin, mais aussi les aider lorsque c'est nécessaire. Mais également, rattaché à la Direction financière, il comprend mieux les enjeux globaux de l'établissement.L'expérience sera renouvelée dès septembre 2012 avec l'embauche d'un autre contrôleur de gestion que l'on a judicieusement nommé "business partner". Rattaché à la Direction Financière, son rôle classique de contrôleur de gestion évoluera vers un rôle de conseil, voire sera un facilitateur qui établira des liens dans l'établissement entre le niveau opérationnel et central.Nous avons eu aussi une démarche proactive en matière de contrôle interne. Sa mise en place, essentielle au sein d'un établissement comme le notre, ne pouvait se faire qu'avec l'adhésion du personnel, dont ceux du domaine de la recherche. Car on peut imaginer l'image procurée par le terme "contrôle interne" sur une population encore résistante à tout ce qui arrive d'une direction financière ou centralisée (cf. mes articles sur le contrôle interne développés dans mon blog). Nous avons intégré au comité de pilotage du projet de la mise en place du contrôle interne comptable et financier un directeur de laboratoire. Comme nous avons fait participer aux différents ateliers sur la cartographie des risques leurs gestionnaires financiers. Nous continuerons à les associer pour la mise en place des actions à mener en 2012/2013.Mais il ne faut pas oublier aussi dans la démarche, que la culture "innovation" doit aussi être intégrée par les services financiers. Cette réciprocité est essentielle. Ce n'est pas une population contre une autre, mais des acteurs qui fonctionnent ensemble et qui se comprennent.En conclusion, il faut donc pouvoir apporter l'aide que les personnes qui travaillent autour du processus innovation sont en droit d'attendre de la part des financiers. Cela peut être comme nous l'avons déjà évoqué, soit en participant avec eux aux processus lui-même le plus en amont possible, soit en les aidant à créer des outils qui leur sont utiles (applications, tableaux de bord, reporting, aide à la décision, etc.), soit encore les aider à trouver les financements qui leur sont nécessaires et être un facilitateur, et non un empêcheur de tourner en rond.Suite du débat le mercredi 23 mai 16h à l'IAE de Grenoble...
(*) source : La Métro de Grenoble : http://www.lametro.fr/219-recherche-innovation-grenoble.htm
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