lundi 2 juillet 2012

DAF, littérature et autres arts !


Une fois n'est pas coutume, parlons un peu d'art. Et principalement de littérature. Je tenais à rendre hommage à une personne qui compte beaucoup pour moi et qui a beaucoup fait pour faire connaître et aimer les livres. Et je suis déçu de lire sur le site du festival du premier roman de Chambéry, lors de sa 25ème édition ceci : "Né de l'initiative d'un enseignant chambérien, Jacques Charmatz, le Festival est devenu au fil des années un véritable témoin de la littérature contemporaine."
En effet, Jacques Charmatz est le vrai initiateur de ce festival et ce dernier n'aurait jamais vu le jour sans lui. Il est dommage que le site soit si avare des raisons qui ont motivé la création de ce festival. Jacques est un mentor et ami pour moi et a été mon professeur de français. Mais pour mieux comprendre ses motivations, je vous laisse prendre connaissance de l'interview imaginaire qu'il m'a écrit dernièrement :

"Interview imaginaire du fondateur du festival du premier roman

Pourquoi vous et pas un autre ?
Pourquoi ici (à Chambéry) et pas ailleurs ?
Pourquoi en 1987 et pas avant ?

Jacques Charmatz : les créations, les inventions ne tombent jamais du ciel hasardeux. Moi, dès la petite enfance, enfant juif d'un peuple qui a le culte du livre, je lis les écrits plutôt que de jouer avec les jouets. Orphelin de père, je comble le manque de père par l'imaginaire de la lecture. Professeur de lettres, j'ai le culte de l'art moderne n'ayant étudié ni latin, ni grec.
Communiste se voulant marxiste, je lis Marx et Althusser et je fonde avec l'aide du P.C.F et des camarades le Cercle d'études marxistes où nous invitons, entre autres, Tahar Ben Jelloum, Henri Alleg, Albert Jacquard, Henri Meschonnic.
Disciple admiratif de Jean Vilar eet d'Antoine Vitez, je milite avec mes amis et camarades pour une Maison de la culture, et j'adopte la formule d'Antoine Vitez "Elitaire pour tous".
Rousseauiste par mes origines d'enfant juif réfugié en Suisse, je fonde la librairie Jean-Jacques Rousseau avec le soutien actif du P.C.F. et de son secrétaire fédéral René Vair. 
Professeur de lettres au Lycée Technique Monge de Chambéry, je dois lutter contre cette ségrégation qui fait croire aux élèves et aux étudiants de B.T.S qu'ils n'ont pas le "don" des lettres et de l'art.
Disciple du pédagogue Georges Snyders, je n'ai de cesse de lutter contre cette idéologie des dons qui fait croire que certains sont doués et d'autres pas.
Militant d'une association de professeur de lettres dirigées par Claude Burgelin, nous voulons rénover cet enseignement en donnant les pleins pouvoirs au lecteur.
Exaspéré par ces critiques qui annoncent la mort de la littérature française, stimulé par un critique Claude Prévost qui ose consacrer sa rubrique littéraire à des auteurs de premiers romans qui ont pour nom Annie Ernaux, Didier Daenincks, Jean Echenoz, Michel Besnier, François Salvaing, François Bon, Pierre Bergounioux dans le journal de l'Humanité, je décide de faire lire des premiers romans à des étudiantes trilingues du Lycée Technique Monge dégoûtées par l'épreuve et le programme du baccalauréat de français, et je les encourage à écrire leurs impressions aux auteurs. Les auteurs répondent, ébahis. Ceci en 1985.
En 1987, j'ai l'idée un peu utopique de fonder un festival qui éliminera les jurys de spécialistes patentés, qui supprimera les prix qui favorisent best sellers et hiérarchie au profit des lecteurs volontaires et des auteurs choisis librement par eux. Je soumets ce projet à André Gervason, maire adjoint RPR en charge de l'éducation. Celui-ci convoque une réunion avec le conservateur de la bibliothèque municipale Jean-Paul Oddos, une bibliothécaire Annie Pelisson, le président des Amis de la la bibliothèque, Jean-Pierre Madelon, Bernard Fontvieille, directeur d'une salle de cinéma d'art et d'essai et Philippe Schwab, graphiste.
Voici, dessinées à grands traits subjectifs, les origines de ce festival du premier roman, "festival de lecteurs unique en son genre, où tant de veilleurs, de vigies, de sentinelles ont dépisté les auteurs en genèse" pour reprendre les propos de son président, Albert Fachler."

Jacques a oublié que j'ai créé dans un petite ville proche de Lyon un comité de lecture au début des années 90. Comité déporté qui a permis à Jeannette Colombel (philosophe qui a écrit sur Sartre et Foucault) d'être choisie pour venir présenter "les amants de l'ombre" en 1992 à Chambéry. 
Si je n'étais pas dans la classe des B.T.S trilingues, j'étais dans celle des B.T.S comptabilité et contrôle de gestion, l'écart me semblant encore plus grand entre la passion de la lecture et les chifres...

C'est depuis cette date, que ce "drôle" de professeur de lettres a été mon mentor et nous n'avons cessé de nous voir et avoir une relation épistolaire sans faille, dans laquelle il me fait découvrir encore de nombreux auteurs. 
Nous avons aussi été tous les deux dans des ateliers d'écritures animés par Olivier Targowla, qui est aussi passé par le festival du premier roman de Chambéry.

De la lecture au cinéma, il n'y a eu qu'un pas que j'ai franchi aisément. Cela m'est arrivé d'accompagner Jacques et ses élèves trilingues du Lycée Technique Monge au festival de Cannes. Mais j'ai découvert un festival loin des paillettes et du tapis rouge. D'un certain regard à la semaine de la critique en passant par la quinzaine, autant de festivals au milieu du festival, ce fût exaltant de croiser Lambert Wilson et Anna Schygulla, comme Roberto Benigni sans qu'il y ait une foule hystérique. 

Enfin, j'arrêterai cet hommage en parlant de son fils Boris, danseur contemporain qui a mis en scène l'année dernière pour Avignon Enfant et qui reste le chef de file de la nouvelle vague française. A voir et à revoir. 

Tout cela pour dire qu'on peut être DAF, et heureusement, aimer les arts. D'ailleurs, je pense qu'il y a un lien étroit entre la manière d'appréhender la littérature et son mode de management. Mais c'est une autre histoire...

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